Les 4 saisons

Les " quatre saisons " est un des morceaux de musique qui a sans doute été le plus galvaudé.
Combien d'humoristes se sont moqués de ces standards qui, disons-le tout net, vous torture avec les premières mesures du printemps, que ce soit avec un enregistrement d'orchestre, ou pire au moyen d'une musique synthétique. Je ne parle même pas des sonneries pour téléphones portables…
Il faut dire que c'est une des œuvres, qui a fait l'objet sans doute de plus de disques.
Chaque violoniste, chaque chef d'orchestre y va de sa petite interprétation de ces quatre concertos.
Je pense tout simplement qu'à l'origine de tout cela, il n'y a tout simplement le génie de Vivaldi.

Avant-propos

Les " Quatre Saisons " ( Le quattro stagioni, en italien) est le nom donné aux quatre concertos pour violon, composés par Antonio Vivaldi, Opus 8, n° 1-4, qui ouvrent le recueil Il cimento dell'armonia e dell'invenzione - " L'opposition entre l'harmonie et l'invention ". L'opus 8 de Vivaldi a été édité en 1725 à Amsterdam par Michel Le Cène, mais il est admis que la composition de ces quatre concertos est antérieure de plusieurs années.
Ces concertos, peuvent être assimilés à de la musique descriptive. C'est en partie, à mon avis, ce qui explique leur succès.
D'ailleurs, ils sont accompagnés de quatre sonnets " explicatifs " qui sont sans doute de la main même de Vivaldi. Je les reproduis ci-dessous intégralement. Leur lecture suffit amplement a analyser les différentes mélodies et thèmes de cette œuvre.
Pour profiter pleinement de mon propos, l'idéal serait que vous preniez connaissance de ces sonnets, que grâce aux quelques extraits musicaux que j'y ai insérés, vous arriviez à repérer comment se fait la correspondance musique - " tableaux ", et que vous écoutiez l'intégrale de chaque saison en essayant de repérer toutes ces correspondances vous-mêmes. Je suis intimement convaincu que vous y arriverez certainement, même si vous n'êtes pas des spécialistes de la musique classique.

Pour des raisons que j'explique dans la page consacrée à Vivaldi, le nombre d'extraits musicaux et volontairement réduits, ainsi que leur durée. D'autre part, vous trouverez dans cette même page, d'autres extraits des quatre saisons. Il m'a semblé donc qu'il était inutile de les répéter (en particulier adagio de l'automne, et largo de l'hiver).

Une dernière précision, suite à une question que vous ne manquerez pas de vous poser : si je n'ai pas encore d'enregistrement de ces concertos, lequel choisir ? Eh bien la réponse est justement dans la page consacrée à Vivaldi. J'y cite justement quelques musiciens et orchestres qui ont enregistré ses œuvres. Bien évidemment je ne veux pas dire que tout ce que je n'ai pas cité est mauvais, loin de là !

Voilà, je vous laisse découvrir ces quatre saisons, en ajoutant simplement que c'est grâce à elles, qu'il y a 40 ans j'ai pris goût à la musique classique…
Alors si je peux susciter des vocations…

La partition du printemps (Thème)

Les sonnets

La Primavera.

Giunt'è la Primavera e festosetti
La salutan gl'Augei con lieto canto,
E i fonti allo spirar de'Zeffiretti
Con dolce mormorio scorrono intanto:

Vengon' coprendo l'aer di nero amanto
E lampi, e tuoni ad annuntiarla eletti
Indi tacendo questi, gl'Augelletti
Tornan di nuovo al loro canoro incanto:

E quindi sul fiorito ameno prato
Al caro mormorio di fronde e piante
Dorme 'l Caprar col fido can' a lato.

Di pastoral Zampogna al suon festante
Danzan Ninfe e Pastor nel tetto amato
Di primavera all'apparir brillante.

Le Printemps.

Voici le Printemps, que les oiseaux (Allegro)
saluent d'un chant joyeux.
Et les fontaines, au souffle des zéphyrs,
jaillissent en un doux murmure.

Ils viennent, couvrant l'air d'un manteau noir,
le tonnerre et l'éclairs, messagers de l'orage.

Enfin, le calme revenu, les oisillons
reprennent leur chant mélodieux.

Et sur le pré fleuri et tendre, (Largo)
au doux murmure du feuillage et des herbes,
dort le chevrier, son chien fidèle à ses pieds.

Au son festif de la musette (Allegro)
dansent les nymphes et les bergers,
sous le brillant firmament du printemps.

Quelques notes du printemps

L'exemple commence par la "ritournelle" bien connue, suivi de l'orage (vers 5 & 6) du 1er mouvement.
Suit un extrait du second mouvement. Celui-ci illustre les aboiements du chien, caractérisée par deux notes brèves du violon, et qui reviennent à intervalle régulier.
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L'Estate.

Sotto dura Stagion dal Sole accesa
Langue l'huom, langue 'l gregge, ed arde il Pino;
Scioglie il Cucco la Voce, e tosto intesa
Canta la Tortorella e 'l Gardelino.

Zeffiro dolce Spira, mà contesa
Muove Borea improviso al Suo vicino;
e piange il Pastorel, perché sospesa
Teme fiera borasca, e 'l suo destino:

toglie alle membra lasse il Suo riposo
il timore de' Lampi, e tuoni fieri
e de mosche, e mosconi il Stuol furioso!

Ah che purtroppo i Suoi timor Son veri
tuona e fulmina il Ciel e grandinoso
tronca il capo alle Spiche e a' grani alteri.

L'Été.

Sous la dure saison écrasée de soleil (Allegro)
se languit l'homme, se languit le troupeau et s'embrase le pin.
Le coucou se fait entendre, et bientôt, d'une seule voix,
chantent la Tourterelle et le Chardonneret.

Zéphyr souffle doucement, mais, tout à coup,
Borée s'agite et cherche querelle à son voisin.
Le pâtre s'afflige,
car il craint l'orage furieux, et son destin.

A ses membres las, le repos est refusé (Largo)
par la crainte des éclairs et du fier tonnerre,
et par l'essaim furieux des mouches et des taons.

Ah, ses craintes n'étaient que trop vraies, (Presto)
le ciel tonne et fulmine et la grêle
coupe les têtes des épis et des tiges.

Quelques notes de l'été

Deux extraits enchaînés:

  • 1er mouvement: trilles du violon pour évoquer le chant des oiseaux, sans oublier les deux notes caractéristiques du...coucou!
  • 3ème mouvement: toute la virtuosité du violoniste au service de l'orage

L'Autunno.

Celebra il Vilanel con balli e Canti
del felice raccolto il bel piacere
e del liquor di Bacco accesi tanti
finiscono col Sonno il lor godere.

Fà ch'ogn'uno tralasci e balli e canti
l'aria che temperata dà piacere,
è la stagion ch'invita tanti e tanti
d'un dolcissimo sonno al bel godere.

I cacciator alla nov'alba à caccia
con corni, Schioppi, e cani escono fuore,
Fugge la belva, e seguono la traccia;

già Sbigottita, e lassa al gran rumore
de' schioppi e cani, ferita minaccia
languida di fuggir, mà oppressa muore.

L'Automne.

Par des chants et par des danses, (Allegro)
le paysan célèbre l'heureuse récolte
et la liqueur de Bacchus
conclut la joie par le sommeil.

Chacun délaisse chants et danses : (Larghetto)
l'air est léger à plaisir,
et la saison invite
à la douceur du sommeil.

Les chasseurs partent pour la chasse aux premières lueurs de l'aube,
avec les cors
, les fusils et les chiens. (Allegro)
La bête fuit, et ils la suivent à la trace.

Déjà emplie de frayeur,
fatiguée par les fracas des armes et des chiens,
elle tente de fuir, exténuée, mais meurt sous les coups.

Quelques notes de l'automne

Début du 3ème mouvement, caractérisé par un rythme ternaire évoquant le galop des chevaux.
Pour ses soli, le violon s'amuse à imiter le cor !...

L'Inverno.

Aggiacciato tremar tra nevi algenti
al Severo Spirar d'orrido Vento,
correr battendo i piedi ogni momento;
e per sovèrchio gel battere i denti;

Passar al foco i di' quieti e contenti
Mentre la pioggia fuor bagna ben cento
Caminar sopra 'l giaccio, e à passo lento
per timor di cader girsene intenti.

Già forte, sdruzzolar, cader à terra
Di nuovo ir sopra'l giaccio e correr forte
Sin ch'il giaccio si rompe, e si disserra;

sentir uscir dalle ferrate porte
Sirocco, Borea e tutti i Venti in guerra.
Quest'è l'verno, mà tal, che gioja apporte.

L'Hiver.

Trembler violemment dans la neige étincelante, (Allegro)
au souffle rude d'un vent terrible,
courir, taper des pieds à tout moment et,
dans l'excessive froidure, claquer des dents ;

Passer auprès du feu des jours calmes et contents, (Largo)
alors que la pluie, dehors, verse à torrents ;
marcher sur la glace, à pas lents, (Allegro)
de peur de tomber, contourner,

Marcher bravement, tomber à terre,
se relever sur la glace et courir vite
avant que le glace se rompe et se disloque.

Sentir passer, à travers la porte ferrée,
Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre.
Ainsi est l'hiver, mais, tel qu'il est, il apporte ses joies.

Quelques notes de l'hiver

Pour terminer je vous propose quelques "tapements de pieds" suggérés par les coups brefs de l'archer du violoniste (martelato) "tremblements" et enfin "claquements de dents" suscités par les mouvements rapides . (1er mouvement)
Enfin les puissantes montées de l'orchestre vous évoqueront la méchante bise d'hiver. Brrrrrrrrrr !... (3ème mouvement)